Leprest en symphonique

                                           Publié le 18 décembre 2019 à 09h54 
 
 
Leprest en symphonique(Tacet)
Note : 5/5

 

Huit ans après le très beau « Leprest symphonique » dans lequel Allain eut à peine le temps de participer vocalement, Romain Didier atteint le sublime avec ce « en symphonique » à coller le frisson. Souvent compositeur du copain disparu (mais aussi : quel pianiste et chanteur !), il signe ici les arrangements denses et subtils, mais jamais redondants, pour l’Orchestre national des Pays de la Loire dirigé par Dylan Corlay. L’imposant ensemble porte au sommet 20 titres poignants, écrits et créés par Allain et composés pour la plupart par Romain, mais aussi Jean Ferrat. 

Ces joyaux sont admirablement servis par l’interprétation de Clarika, Cyril Mokaiesh, Sanseverino et Romain Didier. Enregistré en public à Nantes, cet album en or permet, qui plus est, aux deux premiers artistes, d’embellir la déjà grande confrérie chantante des passeurs de l’œuvre du « plus grand auteur de la chanson française » (dixit Claude Nougaro).

 

 

 

 

 

 

Festival d'Avignon - Avignon Off : les critiques

 

 

A un tel niveau de virtuosité technique et de sensibilité artistique, on se dit en écoutant Romain Didier jouer du piano qu’il possède toutes les qualités d’un grand interprète classique. Ses doigts courent sur le clavier de manière ininterrompue, effectuant des prouesses, donnant rapidement la sensation aux spectateurs que se produit sous ses yeux un orchestre au grand complet. Le bouleversant de manière durable. Et quelle voix ! Exceptionnelle elle aussi, qui contribue à faire de Romain Didier l’un des meilleurs chanteurs français. Durant une heure, sur le ton de la confidence et pour un périple presque sans escale où les titres s’enchaînent, il nous rend familier son univers avec des titres écrits par lui seul, paroles et musique (aucune chanson composée avec son ami le regretté Allain Leprest), faisant surgir de son piano noir des images et des émotions liées à l’enfance. Sublimes moments aussi, les reprises de « Un jour tu verras » ou « Et maintenant » dans des orchestrations toutes personnelles. Un spectacle parfait ! Un moment magique !


A 19h. Tarifs : 15,5/11 euros. 04 90 14 05 51.

Jean-Rémi Barland

 

ROMAIN DIDIER
Dans ce piano tout noir : récital magistral
Dans ce piano tout noir il y a tous les mots de Romain Didier.
Quand il n'est pas en tournée, cet homme discret se retire chez lui pour y
travailler au calme au milieu de ses livres et de ses disques. Quand il n'écrit
plus pour lui, pour d'autres, pour un film ou pour les mômes, c'est que la
scène, son autre univers, le titille à nouveau. Valse de mots, jeu de notes, de
sentiments, là encore, cet artiste inclassable et singulier se donne en entier.
Mais attention, le gentil poète sait griffer et peut mordre contre la bêtise
et la cruauté. Récital festival, pas moins de sept chansons et cinq
intermèdes musicaux sans place pour un bravo, le chanteur enchaîne les
sujets et va à l'essentiel, bousculant codes et conventions. Ouf : le temps
d'applaudir enfin, pour lui de respirer, et c'est reparti pour un nouveau set
encore plus brillant que le précédent, si c'était possible.
Didier Blons,
Radio Albatros.
Avignon 2015

NOS ENCHANTEURS
Le quotidien de la chanson
Avignon off 2015. Romain Didier, sa vie, son oeuvre
Ajouté par Catherine Laugier le 26 juillet 2015.
Sauvé dans Catherine Laugier, En scène, Festivals, L'Équipe
Tags: Avignon off 2015, Nouvelles, Romain Didier
Ce Théâtre des Lucioles où on aime à revenir… Surtout que s’y produit Romain
Didier, qui plus est dans son propre répertoire… Lui et son seul piano, son alter ego,
son compagnon de notes et d’improvisations, de créations et d’accompagnements.
Dans ce piano tout noir. 19h pile, à peine assis, tout juste annoncé, qu’il a déjà attaqué
le titre éponyme. Il est à deux mètres, c’est nous qu’il regarde, de côté, sans prêter
plus d’attention que cela à ses mains qui courent sur le piano… Une heure et quart
de chansons, sans aucune pause, où vont déferler notes et mots comme vagues d’une
vie. Elles se courent après, se rattrapent, s’emmêlent, se brisent et se calment. Vous
roulent dans leur flot sous l’écume des jours. Ou vous portent doucement.
C’est oeuvre de toute une vie, d’une maturité rayonnante. Depuis les premiers temps,
L’enfant que j’étais, jusqu’à la mort, Dix pieds sous terre. Ou Je me souviens : « Les paroles
disaient que les gens quand ils s’aiment / Bien après qu’ils soient morts leur amour
continue. » Nous voyageons dans le métro et dans nos souvenirs, entre Chicorée
Leroux et scoubidou, ou à L’aéroport de Fiumicino. En passant par la vieillesse et les
amours dans tous leurs états : la première fois (occasion de nous jouer L’été 42,
merveille musicale d’évocation), les séparations (« J’pourrai pas jouer ça / Sans t’avoir
sous les doigts / Si un jour t’es plus là » ou Tu m’as volé la mer du Nord), les amours en
diagonale avec ce titre émouvant et sans concession qu’est A quoi ça tient. La routine
aussi : « Ça fait vingt neuf mille deux cents heures / qu’on a passé dans le même lit / Dont
mille quarante à faire l’amour / et sept cent vingt pour maladie / J’ai noté. »
On s’en prend plein la figure, plein les oreilles, plein le coeur. On y musique douce,
on y symphonise, on y jazze chez Jonasz, Michel Legrand ou Trenet. Jonasz, tiens,
une des quatre chansons qu’il n’a pas écrite, La famille. »Les jeunes s’en vont là où ça
brille / Les vieux s’éteignent comme des brindilles. » Mouloudji, Un jour tu verras. Bécaud,
Et maintenant, les belles questions de Delanoë. Et le susnommé Trenet, pour le rappel
qui se rit de la mort, La folle complainte. Les autres vingt-et-une sont de la belle plume
écrite et annotée par Romain, depuis plus de dix ans. Non, pas toutes, il y a cette jolie
valse de Dvorak où il a déposé ses impressions de »Petit matin ivoire / Et rose mélangé
/ Odeur de café noir / Oranges et pain brûlé. »
Pour nous faire l’opéra de sa vie, plutôt que de raconter des anecdotes entre chaque
titre, Romain a puisé des intermèdes musicaux aux brillantissimes envolées, en écho
à ses propres créations. Les doigts virtuoses du pianiste jouent Aznavour, Barbara,
Ferré, Lemarque à Paris, où il valsera avec Marjolaine et Mathilda. Vigneault quand il
est difficile d’aimer, comme dans le répertoire des chansons traditionnelles. Celles
qu’on apprend aux enfants mais qui parlent des erreurs et des malheurs des grands,
de prisons et de belles geôlières.